Avant-propos

Francesca Todesco, Atmane Bissani | DOI:10.17457/IF/2022/FTAB | Texte intégral

Dans le sillage des études de la regrettée Anna Zoppellari, nous nous sommes proposés par ce volume d’interroger l’univers fictionnel des écrivains maghrébins à travers le prisme de la symbolique urbaine. Mais comment rendre compte de façon un tant soit peu panoramique de l’écriture de la ville maghrébine ? Les chercheurs qui ont participé à ce numéro, offrant des contributions aussi variées que riches en réflexions, ont pensé l’imaginaire urbain à travers plusieurs perspectives. On a exploré le rapport entre la représentation de la ville et les enjeux esthétiques d’auteurs ayant fait de l’espace citadin source d’inspiration et matière romanesque : l’écriture de la ville dans cette optique favorise une « littérature urbaine », c’est- à-dire une narration propre à la ville et plus ou moins à la médina. Mais on a interrogé aussi le phénomène de l’urbanisation, en considérant que les villes maghrébines contemporaines sont de plus en plus le résultat de politiques renvoyant à des représentations idéologisées et stéréotypées qui déforment l’espace de la médina et/ou de la ville. Sans oublier de considérer que la ville d’aujourd’hui est confrontée à la mondialisation et aux nouvelles migrations : phénomènes, ceux-ci, qui constituent un véritable défi pour la cité maghrébine que certains écrivains regardent comme expression de modernisme et de modernité en devenir, et d’autres, nostalgiques, comme facteur de dénaturation de tout un patrimoine culturel et civilisationnel.         

Villes d’écrivains. De l’imaginaire de la « Médina » dans les œuvres des écrivains francophones du Maghreb et d’ailleurs

Reda Bensmaïa | DOI: 10.17457/IF/2022/BEN | Texte intégral

Comme « fait urbain » la Médina procède d’une logique et d’une rhétorique de développement radicalement différentes de celles qui président à l’appréhension de la ville telle qu’elle est appréhendée en Europe de la Renaissance à nos jours. Pour mettre en évidence ce que l’on pourrait appeler l’imaginaire poético-rhétorique de la Médina, je prendrai comme point de départ la problématique de la ville que Michel de Certeau avait proposé dans L’Invention du quotidien

Écrire la Ville : le cas de Constantine dans « La dépossession » de Rachid Boudjedra

Samir Messaoudi | DOI: 10.17457/IF/2022/MES | Texte intégral 

Notre réflexion consiste à mettre en exergue les différents procédés scripturaux dont se sert le romancier pour rendre la ville, en tant que spatialité narrative, visible ; nous sommes parvenus à la conclusion que l’auteur développe une poétique qui inclut les techniques de contrepoint pour raconter son histoire et l’Histoire de la cité- sous forme d’une dialectique. Cette modernité narrative permet de faire de la ville de Constantine un actant atour duquel tourne une bonne partie de la fiction ; et une cité  résistant  aux agressions des conquérants. Ce faisant, le romancier fait de l’espace urbain une source d’inspiration pour dire le passé qui s’alterne entre mémoire individuelle et collective.

Corps et espace dans les romans d’El Mostafa Bouignane « Sur La Porte de la Chance »

Abderrahim Kamal | DOI: 10.17457/IF/2022/KAM | Texte intégral

La littérature critique sur la représentation du corps dans la littérature et l’art marocains, et sur la représentation de l’espace en général et de la ville marocaine en particulier, est assez vaste pour que nous puissions en faire l’état des lieux. Nous nous contentons de citer trois travaux qui nous semblent d’un intérêt académique certain. Poétique de la ville marocaine  soumet à l’examen un corpus marocain « classique » (A. Khatibi, T. Ben Jelloun, A. Laâbi, A. Serhane, E. Amran El Maleh, Mohamed Leftah) et contemporain (Baha Trabelsi, Rachida Yaakoubi, M. Nedali, M. Binebine), mais également un corpus occidental (C. Ollier, E. Canetti, J. Kessel, P. Bowles, ainsi que des écrivains voyageurs du 19ème siècle). Les auteurs essaient d’y étudier la manière dont les villes marocaines (principalement Fès, Meknès, Marrakech, Casablanca et Tanger) sont revisitées, reconstruites par une pensée et un imaginaire à la fois subjectifs et "stéréotypés". …

Utopographies maléhiennes

Touriya Fili-Tullon | DOI: 10.17457/IF/2022/FIL | Texte intégral

Dans les Entretiens accordés par Edmond Amran El Maleh à Marie Redonnet , le chapitre consacré aux villes s’étend sur plusieurs pages et montre la centralité de l’espace urbain dans l’imaginaire maléhien. Si l’on s’en tient à ce que confie l’auteur lui-même de son rapport aux villes, celles-ci relèveraient du simulacre. Sachant que l’une des définitions premières du simulacre rejoint celle de l’allégorie en tant que « représentation figurée d'une chose concrète » (TLFI), on peut établir un rapprochement figural entre la représentation et le lieu originel auquel elle se substitue et qui s’annihile dans ce jeu de commutations, constat qui amène l’auteur à ajouter que l’écriture des villes relève de celle de l’utopie.  Cependant, si l’on peut convenir que la ville maléhienne est le lieu d’un non-lieu, elle ne présente pas le caractère d’une totalité utopique, mais apparaît plutôt sous forme d’éclats fragmentés qui appellent à être réintroduits dans un mouvement génésique. Ces fragments textuels fondent-ils une « constellation » autour de la blessure ouverte par l’effacement de la communauté juive marocaine, comme le voudrait Juan Goytisolo  ? À suivre cette piste interprétative, le risque serait de ne prendre en considération que la dimension nostalgique qui transformerait l’œuvre en tombeau littéraire pour une communauté disparue. Et sauf à lire cette constellation de villes comme la reconfiguration d’un lieu pour le futur, ce qui donnerait à l’utopie une dimension messianique.

Casablanca, ville de tous les contrastes dans « La Chaise du concierge » de Bahaa Trabelsi et « Chronique d’un départ différé » de Nadia Ayoub

Abdelouahed Hajji | DOI: 10.17457/IF/2022/HAJ | Texte intégral

La Chaise du concierge de Bahaa Trabelsi et Chronique d’un départ différé de Nadia Ayoub partagent plusieurs points communs, dont essentiellement le désir de traduire la crise urbaine à travers un ensemble de thèmes liés à Casablanca, capitale économique du Maroc. Cette ville connaît une effervescence à tous les niveaux. De ce fait, les romancières mettent l’accent sur la déshumanisation de l’espace urbain qui est confronté à des mentalités arriérées qui refusent toute sorte d’innovation. Ainsi, des signes annonciateurs de menace terroriste et des messages de violence envahissent tous les endroits de la ville ; ce qui entraîne bien évidemment un malaise chez les personnages dans les deux œuvres romanesques. Notons ainsi que la dévastation de l’individu favorisée par une complexité de l’espace urbain rend toute tentative d’autonomie impossible, voire tragique. Toute marque de liberté individuelle est condamnée moralement dans ce milieu chargé de paradoxes et de contrastes. Il s’agit aussi et surtout de rendre compte de l’exode rural comme phénomène qui a transformé la physionomie des villes d’aujourd’hui en des espaces clos. Cela dit, notre article a pour objectif d’analyser quelques contrastes tels qu’ils sont représentés dans ces deux romans. Il y est question ainsi de montrer la complexité du réel qui étouffe l’individu aspirant au changement et à la différence.

Des villes marocaines sous la plume de Mokhtar Chaoui

Bernadette Rey Mimoso-Ruiz | DOI: 10.17457/IF/2022/RUI | Texte intégral

Mokhtar Chaoui est un écrivain citadin comme l’indiquent les espaces où se situent ses romans. Si l’on excepte la part rurale qui figure dans Le Silence blanc, son panorama romanesque donne une représentation originale de diverses villes marocaines contemporaines, loin des poncifs. Ainsi rencontre-t-on Rabat dans À mes amours tordues, Fez et surtout Tanger qui occupe une place importante dans les récits les plus récents (Le Silence blanc, Amour est paradis), sans doute parce qu’il s’agit de sa ville natale. Cependant, si quelques échos nostalgiques apparaissent de temps à autre, le regard porté sur les villes se colore de réalisme et souligne les enjeux sociaux et politiques qui s’éloignent d’une poétique traditionnellement attachée aux représentations des villes emblématiques du Maroc pour en donner une vision sans concession. Cet article se propose d’étudier la perception philosophique et esthétique des villes que l’auteur exprime en relation avec celle de la société marocaine observée dont il dénonce les dérives et les égarements, en particulier durant le Printemps arabe.

La ville dans quelques œuvres anthumes de Mohammed Khaïr-Eddine

Bernoussi Saltani | DOI: 10.17457/IF/2022/SAL | Texte intégral

La ville pour Rimbaud, Baudelaire, Nissaboury ou Mohammed Khaïr-Eddine est l'espace qui voit naître le poète et mourir l'homme. Espace de l'ambiguïté même, la ville dans les dernières œuvres romanesques de Mohammed Khaïr-Eddine, publiés de son vivant, file ses métaphores de la vraie vie du langage poétique et de la mort de l'homme dans des paradoxes qui choquent la transparence et célèbrent le chaos. C'est de ce chaos que naît le poète : étranger, autre et créateur de lui-même. C'est de la ville, espace abiotique pour l'identité de l'homme maghrébin, qu'émerge, comme un être saxatile, le moi du poète. Le chanteur, lui, a encore toute l'étendue du désert, des montagnes et des plaines pour continuer à composer ses chants (bien évidemment j'exclue Il était une fois un vieux couple heureux, livre posthume dont je me méfie).

 

Mélanges

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Solitude et désolation d’un «Nègre métropolitain» en terre d’Amérique: le sourire silencieux de Dany Laferrière

Ylenia De Luca | DOI: 10.17457/IF/2022/DEL | Texte intégral

Dany Laferrière, écrivain originaire d'Haïti, a décidé, à la suite de son exil volontaire au Québec, de publier exclusivement à Montréal et en français et de vivre à Miami. Le narrateur-reporter de son premier roman et double ou sosie du romancier écrit ces lignes : « Je me sens brusquement SEUL dans cette nuit américaine. Et c’est la chose la plus terrible qui puisse arriver à quelqu’un. La solitude est l’aboutissement naturel de toute vie en Amérique ». Voici, donc, la solitude du migrant monté vers le Nord, du Noir en pays blanc de peau et de neige, et qui participe aussi, par la force des choses, de cet isolement le plus fondamental qui est celui des descendants africains en Amérique, héritiers tragiques d’une histoire de ségrégation et d’exclusion.

Léopold Sédar Senghor et les élégiaques romains

Denis Assane Diouf, Robert Adama Sene | DOI: 10.17457/IF/2022/DIS | Texte intégral

Ce présent article fait état des interférences « profondément convergentes » entre la poésie des auteurs élégiaques latins (Tibulle, Properce et Ovide) et celle du poète sénégalais, Léopold Sédar Senghor. Loin de vouloir se borner à une simple étude comparative de leurs thématiques respectives, ce travail révèle et analyse la large intertextualité motivée moins par l’influence latine sur Senghor, que par la similitude d’un tracé de vie : la douloureuse expérience de la mort de parents et d’amis, la permanence de l’amour dans leur existence et l’attendrissement devant les spectacles de la nature. Pour autant, Senghor n’est pas un vil épigone de l’élégie latine. Il l’adapte et l’enrichit sans cesse, surtout  en ce qui concerne son style.  

Analyse lexico-sémantique de données textuelles en fiction : la théorie de la relativité dans «Echec au temps»

Eleonora Marzi | DOI: 10.17457/IF/2022/MARZ | Texte intégral

Au début du XX siècle Albert Einstein formule la théorie de la relativité qui provoque un bouleversement dans la perception des concepts d’espace et de temps, qui sortent du domaine de l’absolu et deviennent multiples et flexibles. Les propagations d’une telle révolution conceptuelle vont toucher tous les domaines du savoir humain, de la philosophie à la littérature, avec des nuances interprétatives assez diversifiées. Notre contribution, se propose d’analyser le roman Echec au temps de Marcel Thiry, écrit en 1938 et publié en 1945, à la recherche de la fonction que le contenu scientifique recouvre dans l’univers fictionnel en employant la méthodologie d’analyse de  données textuelles caractérisé par un approche lexicale.